La laïcité et les images religieuses

Publié le par frigioman

Laïcité et images religieuses

 

Cet article n’est pas une provocation de plus contre les religions ou contre la laïcité. Il est juste le reflet de mon expérience. Il peut déranger certains croyants, mais son seul but est de partager mes convictions.

 

Je ne vais pas faire l’histoire de la laïcité mais, le 9 décembre 1905, la République française devient un État laïque. Et c’est, pour moi, une bonne chose que chacun soit à sa place.

 L’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen stipule« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble l’ordre public établi par la loi ».

Et pourtant, il est difficile d’utiliser des images religieuses sans être taxé de non laïque comme si cette laïcité était devenue une religion.

Cette brève introduction m’amène à mon sujet.

Enfant je n’ai pas été baptisé. Quand mon père parlait de Dieu, c’était souvent avec des gros, gros mots.  Lorsque j'en parlais à ma mère, elle n'en disait rien de mal, mais rien de bien non plus. « Si tu veux aller au catéchisme, libre à toi », me disait-elle. Mais ses écrits résonnaient dans ma tête, surtout ce poème :

« Car Dieu c'est le combat de l'homme

Ce qu'il élève en lui de pur et de vivant

Pour le pommier Dieu, c'est de donner des pommes

Pour les humains c'est l'effort exaltant.

Mesure dans la démesure

Vouloir dans l'équité

Adhérence au réel et luminosité

Toujours, toujours recommencées ». Fin de citation

Le poids des mots démesurément fermes, étaient trop fort pour que j'ose aller plus loin dans mes questionnements. Poser des questions à ma mère, malgré sa grande tolérance, c’était comme lever une ancre qui aurait remué trop de vase.

Du coup, de mon adolescence jusqu’à 25 ans en pleine discussion sérieuse je disais : « ET Dieu dans tout cela ? ». C'était probablement une manière d'échapper à quelque chose que je ne pouvais pas concevoir.

Dieu n’était donc rien pour moi en ce temps-là. Cela satisfaisait mon ego, mais pas mon inconscient, J’utilisais tous les arguments pour ne pas accepter l’idée d’un Dieu d’amour, en le dénigrant : « Où il était Dieu et son amour divin dans les guerres, les famines et toutes les atrocités, etc. ? »

Cependant, lorsque j’allais mal, j’allais méditer au pied d’une statut de Marie et cela me ressourçait à chaque fois. C’est encore le cas aujourd’hui. D’où me venait cette énergie magnifique et étincelante, moi qui refusais toute croyance ?

Carl Gustave Jung parle d’archétype qui vient du grec : « empreinte originelle ». Il le définit comme une image originelle existant dans l’inconscient. Ces images primordiales sont inscrites l’inconscient de l’homme depuis que l’homme existe, plus précisément dans l’inconscient collectif, gardien de la totalité de tous les archétypes archivés dans sa mémoire avec toutes les expériences vécues par l’humanité depuis sa genèse. « Ces images archétypiques se montrent sous les formes excessivement variées, toujours chargées d'une forte charge émotionnelle qui quelques fois permet de te contacter des instances sacrées, de l'ordre du Numineux ». dit-il. Numineux du latin Numen : volonté divine, sacré, présent, mystérieux 

Ma première révélation

Lorsque je suis allé travailler en Palestine en 1992, je suis allé voir les lieux saints à Jérusalem. Sur le tombeau de Jésus, je me souviens m'être posé la question : « qu'est-ce qui fait qu'on se laisse crucifier comme ça, sans protester ? ».  A l'intérieur de la sépulture, la réponse m'est parvenue, simple, limpide : « pour la foi dans la bonté et dans l'amour ».

Quelque chose venait de me tomber dessus. Une évidence, un archétype, quelque chose de très profond qui me disait : « si tu m'appelles je viens. Il te suffit de m'appeler du fond du cœur ».  Je pensais très fort à Jésus alors que, je sentais quelque chose d'évanescent m'envahir. Une présence revenue du fond de moi, une existence abyssale. C'est alors que ma collègue me héla et me fit sortir de ma torpeur. Je suis ressorti comme d'un demi-réveil, tout englué de cette sensation que je n'ai pas osée raconter, vous pensez bien.

Ainsi Dieu, n’en déplaise aux défenseurs ardus de la laïcité, est une image inscrite au fond de nous. Chacun en fait l’expérience ou pas, chacun est libre d’adhérer et pas, chacun sa liberté de mettre ce qu’il veut derrière ce mot.

Je me suis demandé donc pourquoi ce besoin de me réfugier derrière les icônes de la religion, et quel sens cela avait pour moi.  Je vais vous expliquer ce que j’ai compris et quelle interprétation de Marie et de son énergie j’en ai fait : Depuis des siècles, des générations d’ancêtres ont prié devant cette femme. Quand on prie, on prie toujours pour quelque chose de mieux. Vous-êtes d’accord ? Plus de bonheur, plus d’argent, plus de paix, etc. Imaginez quelqu’un qui prierait pour être plus « ahuri » ou plus « débile ».

 

Donc, si des générations de femmes et d‘hommes ont prié pour plus de « meilleur », cela signifie que Marie représente toutes les douceurs de l’humanité du côté féminin. Le christ toutes les douceurs de l’humanité du côté masculin. Il y en chacun de nous un homme et une femme. Quand je me connecte à l’énergie de Marie ou du Christ, je me connecte à mon côté féminin ou masculin divin. Et surtout, à toutes les douceurs et toutes les bontés de l’humanité en moi. On ne m’avait fondamentalement pas dit cela quand j’étais enfant. Il y aurait toutes les douceurs et toutes les bontés de l’humanité en nous !

Cette représentation est bien laïque car on ne peut exclure notre côté féminin et masculin universel.

Quant à savoir si Marie était vierge dans son corps, ce n’est pas mon problème, d’autant que l’amour n’est pas un pêché pour moi. Si j’étais croyant la question qui m’interpellerait serait : « qui a créé l’amour ? ». Je peux donc interpréter la virginité de Marie comme cela : Oui elle était vierge de tous sentiments car elle a donné son fils, convaincue qu’un « grand plan », allait se réaliser, avec une foi inébranlable.

Plusieurs images, plusieurs paraboles lumineuses et épanouissantes me sont données par la bible.

Ainsi, le Christ, alors qu’il a subi la pire des tortures, la crucifixion dit : « Père, Pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font ». Cela m’interroge, « suis-je prêt à pardonner à tous les terroristes, mais suis-je aussi prêt à pardonner à les Claude en moi, qui sont « trop » ceci ou trop cela ? ».  Je n’ai pas la réponse.

D’autres paroles m’ouvrent vers « un plus grand que moi ». « Mangez c’est mon corps » que je peux interpréter d’une façon laïque comme : mangez mes paroles d’amour, digérez-les, et analysez-les. « Buvez c’est mon sang » par saoulez-vous de mes paroles de prédilection, allez chercher le spiritueux de celles-ci.

Quand les croyants font appel au « Seigneur », cela m’interpelle : n’il y aurait-il pas en nous, un maitre, un seigneur qui règne sur nous ? L’appeler ne serait-ce pas faire appel à cette partie « grand seigneur » en nous. Les questions pourraient-être : « Quel Maître je choisis d’être ?  Qu'est-ce qui règne sur moi ? »

Il y a aussi une très belle parabole du berger qui a 100 brebis. Il en perd une. Il abandonne les quatre-vingt-dix-neuf autres et descend la montagne, se coince dans les ronces, risque sa vie et celle de ses 99 autres bêtes. Quand il la retrouve, il la prend sur ses épaules, tout joyeux. Je peux donner deux interprétations à cette parabole ;

  • Une chrétienne ; Dieu n’abandonne pas son bon berger et le guide.
  • Une laïque ; Sans cette partie de lui-même qu’il doit aller chercher dans ses profondeurs, le berger n’est pas complètement lui.

Autrement dit ; Ne pas être reconnu dans son histoire ses soucis, ses désirs ou ses rêves, c’est être perdu. Aucun chemin avéré vers la réconciliation n'est possible tant qu'on n'accède pas à son unité intérieure, symbolisée ici par la reconstitution du troupeau de brebis. Il y aurait ici, quelqu'un qui aspirerait à ce que je retrouve cet enfant, « abaissé », trahi », « méprisé » et « égaré » Qui en est à l’initiative ? Dieu / la source ? Dans cette parabole la laïcité n’est pas compromise, bien au contraire, elle nous invite à aller rencontrer « l’autre », celui qui est blessé en nous, à ne pas l’exclure.

Pour moi, la phrase « « Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l'autre » ne signifie pas tends l’autre vraie joue, sinon nous serions masochistes.  J’entends « tend l’autre joue de l’amour ». C’est ce que j’interprète ici. Nous sommes responsables parce que nous faisons partie du Créateur et le Créateur agit par nous aussi. Alors nous sommes acteurs de ce que nous faisons avec ce qui est, et des choix de nos réponses.  Comment rétorquer à l’existence des camps nazis ?  En ajoutant de la haine ? En créant d’autres camps pour y mettre les nazis, ou en apportant l’antidote à cette folie ?

Sur le magnifique prologue de Saint Jean il est dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. Même si, pour moi, le mot Dieu a encore trop l’odeur de la chair brûlée, le goût de l’intolérance, la senteur de l’inquisition. Je le remplace donc par le nom de Dieu père / mère. Au commencement, donc le verbe était Dieu, oui, mais de quel commencement parlons-nous ? Il y aurait-il un programme au commencement, un projet, une destination, une destinée ?

Dire qu'au commencement est le verbe, la Parole, c'est dire que ce qui est premier est de l'ordre de la Relation. Qu’est-ce qu’une vraie relation, sinon le commencement de l'Amour ? Est-ce à dire que le monde serait relationnel ? Je le pense.  Au commencement de mes colères, de mes doutes, de mes haines, si j’y mets des mots d’amour, je rentre en relation avec ces ressentiments et je peux les libérer. C’est complètement laïque, cela ne sépare rien.

Le pêché, tel que défini dans la religion, vient du grec « harmacia » dixit Jean-Yves Leloup, ce qui veut dire « rater sa cible ». Quand je sors de l'amour, par de la colère, de la rancœur, de la jalousie, etc., je perds quelque chose de moi.  Le pêché tel que défini par la religion, me renvoie à une faute, le pêché tel que traduit là, me renvoie à la possibilité de faire des erreurs. Possibilités, largement validées et enseignées par Le Christ lorsqu’il dit : « que celui qui n’a jamais…. Lui jette la première pierre »

Dans une autre parabole du Jésus il est dit « Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; et ainsi de suite… Et les autres de répondre « Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? » Et Jésus leur répondra : « Amen, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».

Ne sommes-nous pas en pleine intelligence et en pleine laïcité, à chaque fois que nous apportons de l’amour à quelqu’un, nous le faisons à Dieu père/mère ?

Je me revendique comme un athée et je rajoute « grâce à Dieu » et agnostique qui croit en une présence d’amour universelle, divine, car je ne sais rien, sauf que Dieu, pour moi, n’a ni forme, ni couleur, ni religion. Un gnostique qui ne croit pas toujours

Je ne crois pas en Dieu. Dieu n'existe pas. « Il est ». La croyance est un vêtement pour l'esprit, dont il faut se dénuder si on veut LE rencontrer. La croyance n'a rien à voir avec la foi, qui tient de la confiance et nourrit l'espérance. Je ne sais rien de Dieu. Le savoir est un mur pour qui veut LE connaître. (Dit mon ami Jean Gagliardi)

C’est mon côté laïque qui me fait croire en Dieu, Dieu le père, Dieu la mère, différents énergiquement, mais équivalents en Amour inconditionnel. 

Pour moi, il y a la Divinité Mère, issue de la terre. La Divinité Mère en moi, me nourrit de beauté et de noirceur, et me laisse le choix d’en aimer un plus que l’autre, ou d’aimer les deux et de libérer celui qui pourrait me gêner. 

La divinité Père m’invite à m’élever le plus haut possible en transmutant les obscurités en lumière pour les renvoyer dans la terre nourricière enrichies d’amour.

 « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas » est exprimé ainsi dans la table d’émeraude

 

En fait je suis un vrai Laïque, favorable à la séparation de l’état et de la religion. Ce qui ne m’empêche pas de vous accepter telle que vous êtes avec votre croix, avec votre main de fatma, avec votre kippa, peu importe ce qui représente votre religion, puisque dans toutes, il y a un archétype commun : « dieu est amour ».

Quand je dis « Dieu est amour », je ne dis rien sur Dieu en fait, puisque je n’en sais rien. Je dis simplement : la réalité́ est bonne. La vie est bonne. C’est bon d’être, de vivre...

Elle est bonne si j’accepte d’être créateur de cette réalité.  En fonction de ce que j’y mets, celle-ci va être lumineuse car Je m’appuie sur quelque chose de plus grand que moi, pour aller vers le meilleur.

Je cite Jung pour conclure : « Il n’est de langue qui soit à la mesure de ce paradoxe. Quelle que soit la chose que l’on dise, aucune parole n’exprime le tout. Or, parler d’aspects parcellaires là où seule la totalité a un sens, est toujours trop ou trop peu. L’homme peut donner à l’amour tous les noms possibles et imaginables dont il dispose il ne fera que s’abandonner à des illusions sans fin sur lui-même.

S’il possède un grain de sagesse, il déposera les armes et appellera ignotum per ignotius — une chose ignorée par une chose encore plus ignorée, — c’est-à-dire du nom de Dieu. Ce sera aveu de soumission, d’imperfection, de dépendance, mais en même temps un témoignage quant à la liberté de son choix entre la vérité et l’erreur ». Fin de citation.

L‘erreur serait de vouloir, comme ces laïques absolus, séparer Dieu de nous. Ma liberté c’est d’être un croyant libre, un fidèle déviant, un athée grâce à Dieu, un agnostique qui croit, un gnostique qui doute, un laïc qui aime tout, un être rempli d’une partie divine qui co-créée avec le créateur, un amoureux solitaire, un homme libre et heureux.

Publié dans l'amour

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article