La règle du jeu comme support à la spiritualité

Publié le par frigioman

Le jeu et la règle

Je me suis toujours demandé, pourquoi dans le camps de réfugiés, après subis toute la noirceur des hommes, après avoir été saccagés, détruits, anéantis par des conflits d’adultes, les enfants, qui n’ont même plus de mots pour décrire ce qu’ils ont enduré, jouent dès qu’ils sont en présence de jeux.

J’ai vraiment vécu cela dans des camps en Guinée Conakry, en Bosnie-Herzégovine, et ailleurs. Là où l’Humain était allé au plus profond de sa noirceur. Et , miracle, tu mets des jeux dans une salle, tu installes un cadre bienveillant, respectueux et attentif, et les mêmes enfants, qui deux minutes avant étaient dehors paralysés mentalement par l’après-tempête, jouent, comme s’il ne s’était rien passé.

L’enfant re-devient LUI, dès qu’il joue. Pourquoi ?

Je crois qu’avec le recul, j’ai peut-être une explication qui n’engage que moi:

Explication : je suis obligé d’expliquer rapidement ce qu’est le jeu

- Les 4 principes fondamentaux  qui sous-tendent le JEU :

- Le premier, c’est la liberté, on commence quand on veut, on s’arrête quand on veut. L’expérience de la liberté est très importante surtout pour les petits car c’est tout ce qui fait la richesse du jeu, car plus je suis libre, plus je deviens autonome, enfin je suis libre.

- En second, c’est le plaisir et les apports produits par le jeu qui ne sont possibles que s’il y a plaisir, qui renforce ma liberté.

- Le troisième axe très important du jeu c’est la gratuité, ce qui signifie sans nécessairement attendre de résultats. Cela s’appelle l’insouciance du jeu car elle permet de faire des expériences et de trouver des solutions sans prise de risques dans la réalité, de tâtonner, d'expérimenter sans évaluation contraignante ou déstabilisante. Le joueur peut ainsi, en toute sécurité affective, affronter ce qui l'effraie par ailleurs. Il n’y a pas d’attentes.

- Et enfin le quatrième axe tout aussi prépondérant, celui qui prépare à la vie ; LA règle, Le cadre.

La règle structure le jeu. Qu’elle soit inscrite dans l’objet ou inventée, elle suppose l’adhésion du joueur et par-là sa prise de responsabilité.

Comme j’ai la liberté, qui m’apporte du plaisir, et que ce plaisir me renvoie à cette liberté, vu que je ne suis surtout pas obligé d’avoir des résultats, je vais donc naturellement mettre Mes règles dans mon jeu, qui se déroule déjà dans un cadre.

Tout petit, lorsque je secoues un objet, c’est plus une intention qu’une règle, mais le début d’une intention débusque une règle que j’ignore encore.

Quand je construis une tour en cubes, par exemple, je pose un objet, puis un second et, au troisième, tout tombe, jusqu’à ce que je comprenne que pour que cela tienne, je dois m’appliquer. Je dois poser mon cube délicatement. C’est une règle que je comprends seul, la règle commence donc à m’être utile. Elle va m’aider à monter ma tour.

Plus tard dans le jeu symbolique, (le jeu de faire-semblant) si je n’accepte aucune règles des autres joueurs (tu serais la maman), le groupe va m’exclure, directement. La règle va donc m’inviter à partager du plaisir dans un groupe.

Puis la règle inscrite dans le jeu va m'inciter à adhérer à celle-ci, et à ma prise de responsabilité car elle va me permettre d’anticiper et d’élaborer des tactiques. Si je n’accepte pas la règle du jeu, je ne peux pas m’inclure dans le groupe et confronter mes capacités à celui-ci. La règle m’est donc encore utile et c’est librement que j’y adhère.

La règle dans le jeu est donc le lieu de l’expérimentation des aptitudes et des dispositions ; tricher par exemple, est une façon de dire que l’enfant n’est pas encore capable de respecter totalement la règle, ou qu’il a déjà la capacité de la transformer. Grâce à ce plaisir, à cette liberté, à cette gratuité et surtout avec l’aide de la règle incluse dans tous les jeux l’enfant va acquérir de nouvelles confiances en ses capacités, expérimenter des pistes inédites de réflexion, va faire de nouvelles acquisitions importantes, va s'autoriser à jouer avec ses compétences fraichement maîtrisées, ce qui aura pour effet de le rassurer et de lui permettre d'aller plus aisément vers encore plus de nouvelles connaissances, tout cela sans la peur de l'échec.

La règle serait porteuse de nouvelles connaissances ?

Wahoo !!!

Revenons à la règle : Unité de mesure précise qui sert à calculer une distance d’un point à un autre.

- La règle de jeu, qui comme nous venons de le voir, fait grandir le joueur

- La règle du jeu sportif qui demande à l’arbitre de veiller sur chaque joueur pour éviter tout débordement.

- La règle de l’état qui veut dire « loi », d’un état : républicain, royaliste, dictatorial, qui impose à chacun de s’y conformer sous peine de sanctions, ce qui amène au sentiment de justice ou d’injustice, de favoritisme ou d’égalité, et de liberté plus ou moins grande, mais qui est la même (officiellement) pour chacun. .

- La règle religieuse qui demande au croyant de respecter certains rites quotidiens, périodiques ou annuels (prier, s’agenouiller, faire des offrandes) mais aussi, si j’ouvre une autre porte, qui lui l’invite à aimer comme lui-même.

- La règle morale qui interdit d’aller dans l’excès de certaines attitudes, de certaines paroles jugées outrageantes pour « l’autre » ou les « autres ».

- La règle morale qui s’associe parfois à la règle religieuse « tu ne tueras point ».

En réalité, « la règle » représente toujours le sens de la rigueur, de la précision, de l’interdit, en excluant pourtant le fanatisme qui déborde de la règle et de la moralité.

- La règle, au sens strict comme au sens figuré peut devenir une arme pour frapper ou une arme de conviction, de compréhension, d’échanges, de persuasion, de connaissance (si ne connais pas la règle je suis en infraction, mais à l’inverse plus je la connais, plus elle m’apporte de liberté).

- La règle dans chaque corporation de travail qui impose des outils différents.

- La règle dans un orchestre où chacun ne peut pas jouer en dehors du rythme imposé par la partition, sous peine de faire une fausse note.

- La règle de vie qui nous impose de manger, de boire, de dormir sous peine de maladie ou de mort.

- La règle de la nature qui demande au jardinier ou au paysan de ne planter ou de semer qu’à une certaine saison précise, ordonnée en fonction du soleil et de la lune.

- La règle de l’univers, que nous fournit le jour et la nuit, (allumer la lumière ou l’éteindre, sortir ou rentrer) mais qui nous guide aussi dans notre vie interne, certaines hormones se mettent en mouvement à certaine heures.

- La même règle de l’univers qui permet aux plantes de produire de la photosynthèse à certains moments.

Etc.

- Cette règle se retrouve dans le « Grand Tout », dans la « divinité », dans la « conscience d’amour », dans « Dieu » selon la croyance de chacun ; cette règle qui régit l’univers, nous donne chaud et froid, et auquel nous sommes lié, par des règles invisibles de vie et de mort.

- Ce « Grand Tout », cette « divinité », cette « conscience d’amour », ce « Dieu » qui nous fait être en osmose avec tous les systèmes, animaux, végétaux, et minéraux.

Cet "amour qui m’aime » 1 qui est-il ? 

Une énergie de liberté, une énergie de plaisir, une énergie qui n’attend rein de nous (gratuite), une règle et un cadre posé « aime ton prochain comme toi-même ».

 L’enfant en jouant, se connecterait donc à cet amour qui l’aime, à ce « Grand-Tout », à cette « Divinité », à son « Dieu » intérieur, à son ESSENCE.

Si nous sommes les enfants de ce « Grand-Tout », de cette « Divinité », de ce« Dieu » intérieur, nous sommes Tout cela, à l’image et la ressemblance de cet amour, disent les religions.

Le jeu aurait donc, cette fonction de nous re connecter à cet « amour qui nous aime ».

Wohoo !!!

Du chaos initial, un ordre s’est mis en place, ce n'est sûrement pas par hasard que tout a été si précis dit Albert Einstein. Si, tel atome s’est créé pour en rencontrer un autre et se structurer en quelque chose de plus complexe, jusqu’à l’émergence de la vie avec une précision extrême. On peut donc imaginer une intention derrière toute cette vie. Et qu’il y a-t-il derrière une intention ?

Une règle ? Un cadre ? De la gratuité ? (nous demande-t-on quelque chose en retour?)

Qui a eu cette intention de vie ? Dieu, diront certains, l'amour, diront d'autres, mais en fait, Dieu et l'amour, sont  de la même essence. C'est juste une façon différente de voir et dire la même chose.

En fin, la règle du jeu, miroir de la règle de la vie, nous concerne tous, car dans la régularité, dans la bienveillance, dans le plaisir, dans l’amour inconditionnel (gratuit, je n’attend rien de toi) et dans le cadre de l’amour, de la sagesse à laquelle nous aspirons tous, nous les Humains, elle nous ramène à l’amour de nous, des autres et nous guide vers ce « Grand-Tout », vers cette « Divinité », vers notre « Dieu ».

La règle dans sa bienveillance, dans son invitation à être bien, dans sa sollicitude à nous comprendre,dans cette liberté d’accepter de se tromper, dans ce plaisir d’être, dans son attention à nous relier à elle, sans nous y forcer (gratuité), pourrait être féminine. Dans le cadre et la règle qu’elle sous-tend, elle serait masculine.

 

Pourquoi, l’enfant continue-t’il de jouer même après le pire séisme humain ?

J’aime à croire que parce que cela le connecterait à ce « Grand Tout », à la « divinité », à la « Conscience d’Amour », à cette « Présence d’amour » qui nous relie tous, au « Dieu » de sa culture.

Je l’ai vérifié pendant vingt ans, l’enfant qui joue devient LUI autant dans sa partie divine que dans sa partie humaine.

Comment croire à cette « Conscience / Présence » d'amour qui nous entoure toujours, qui nous aide dès qu'on l'appelle ?

Croire n'est pas une obligation pas plus qu'aimer, tout comme le jeu qui ne m’oblige pas à avoir de résultats. Personne ne me le demande. Si je n'aime pas c'est correct, mais si j’aime c'est librement que je le fais. C'est là, que, pour moi, le libre arbitre commence.  Ce qui m’amène à cet amour universel, c’est la règle de conduite que je m’accorde au début, et qui, comme dans le jeu, devient un vrai plaisir. Un mouvement vers ma liberté.

Cela m’amène à ma croyance, qui est de l'ordre de la conviction intime. Une certitude — cette Foi en l’amour en moi, en nous , une rencontre avec moi, une re-connaissance de ce que JE SUIS — et pour laquelle je suis gratifiant tous les matins, une conviction profonde que l'amour Inconditionnel ou Divin, était là , à m'attendre  patiemment,  en souriant de béatitude. Cette parcelle d’amour que je suis, que vous êtes, est un cadeau que nous avons tous en nous. Un cadeau comme dans le jeu. Cette présence d'amour est là, elle sait car elle EST : plaisir, liberté, règle et gratuité. 

Elle est la fleur qui s'offre au soleil, comme pour remercier la lumière, sans attendre un retour, sans demander un pourquoi, comme dans le jeu. Elle est notre double, notre partie d'amour,  « que ta volonté soit faite » pour que l'amour en nous puisse être comme toi, « que ta volonté soit fête » pour que ton immensité  éclate en nous. Grâce à elle,  je sens que nous appartenons à ce « Grand Tout », que nous en faisons partie intégrante. Les rayons de soleil font partie du soleil et pourtant ils n'en sont que son émanation. Bruno Bettelheim le traduit ainsi :

« La plus grande importance du jeu est le plaisir immédiat que l'enfant en tire et qui se prolonge en joie de vivre. Mais le jeu a deux autres faces, comme le dieu Janus : l'une est orientée vers le passé, l'autre vers l'avenir. Il permet à l'enfant de venir à bout, sous forme symbolique, des problèmes non résolus du passé, et d'affronter, également d'une manière symbolique, ou directement les conflits du moment. Il est également pour l'enfant l'outil essentiel qui le prépare pour les tâches à venir ».

Quelles sont tâches à venir ? Avoir la liberté, du plaisir et ne rien attendre en retour.

« Lorsque deux, trois ou davantage seront assemblés en mon nom, je me tiendrais parmi eux." (Jean, 18 : 20) ce qui signifie que cette énergie d'amour nait dès qu'on s'assemble », dit Richard Moss dans le livre « le papillon noir » .

Et le jeu il fait quoi ?

Conclusion :

Voilà pour quoi, pour moi, les enfants, même après avoir subis le pire, se re-trouvent grâce au jeu, dans leur ESSENCE, dans leur « Divinité », dans leur « conscience d’amour ».Voila comment à partir d’une simple règle de jeu, quelque chose de bien plus grandiose se met en place, « l’amour » de soi et des autres

Les enfants comprennent cela, ils n’ont pas besoin de mots, ils ont juste besoin d’expérimenter, comme dans le jeu.

Gratitude

 

1 Expression de Mathieu Christol

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